Auteure | Conférencière | Coach

Chronique de l’Ailleurs n°4 – SUR LA ROUTE

Episode 1 – février 2007

« 40 ans » murmure-t-il, dans un sourire malicieux, en réponse à ma question. 40 ans que la voiture rouge, une Peugeot des années 60, aujourd’hui épave pourrie, rafistolée de toutes parts, emprunte ces routes maliennes, chauffées par le soleil trop blanc. 40 ans que les gens s’entassent sur les bancs du taxi-brousse pour quelques affaires urgentes, pour se rendre au marché, ou pour assister à une fête de famille.

« Maintenant il faut monter ». J’obéis au garçon frêle qui aide le chauffeur dans ses tâches : mettre les bagages sur le toit, récolter l’argent des passagers, réparer la voiture quand un coup de vent, un caillou, la malchance, bouscule le moteur. Je m’assois, impatiente de m’élancer sur la voie goudronnée qui mène à Djenné. Mais le « il faut monter » n’était nullement une indication de départ imminent. Le chauffeur annonce qu’il manque 5 personnes pour décoller. Où trouver 5 candidats en partance dans ce coin abandonné, au carrefour de la route qui relie Bamako à Mopti ? Négociation : à trois, on verse un peu d’argent et le bolide s’envole, toussotant, dans la chaleur de l’après-midi.

15 kilomètres après, le réacteur rend l’âme. Qu’importe ! Un peu de bricolage puis les hommes poussent le véhicule et bruyamment la rutilante machine reprend son envol. Au crépuscule, enfin, on atteint Djenné. La ville, à cette heure, vibre au son enivrant des enfants répétant, pour la leçon du lendemain, le texte inscrit sur leur tablette en bois. Je souris, heureuse du périple, heureuse d’être arrivée, heureuse de découvrir cette ville inconnue.

Episode 2 – février 2017

Samedi dernier, je suis partie à Lyon. En voiture. Pas la mienne. Une dont je ne me rappelle ni de la marque ni de la couleur. Je suis montée dedans, avec 3 autres personnes que je ne connaissais pas. Personne ne se connaissait. Nous étions réunis par la même nécessité : éviter le train, trop cher, et peut-être, par la même occasion, faire un geste écologique, en partageant le véhicule et l’essence. Génération nomade, fauchée, débrouillarde. Pour moi, à chaque fois, un goût d’aventure, écho des voyages de jadis.

Au début, il y a ce drôle de moment de gêne. Physiquement très proches les uns des autres, décrypter les visages, deviner qui sont ces individus que le hasard a transformés en compagnons. Au début, on plonge dans les convenances : prénom, ville d’origine, boulot. Et puis, d’un coup, la conversation prend une autre tournure. Elle vient gratter sous la surface.

– Quoi ? A l’hôpital, tous les budgets sont coupés ? [à une jeune femme, ergothérapeute, qui relate ses missions en service psychiatrie]

– Tu donnes des cours de ski en attendant de décrocher un poste ? Tu fais ça combien de temps ? C’est rentable ? [à un jeune diplômé qui raconte ses galères]

– Tu enseignes au collège et tu adores tes élèves ??? [au conducteur, prof à Paris]

Très vite, les sujets se font encore plus intimes : parcours personnel, changement de vie, problèmes de famille, questions de santé… Tout peut surgir alors qu’on ne se connaît pas, qu’on se croise furtivement pour disparaître ensuite. Et justement, c’est ça que j’aime. Ce côté éphémère. Cette familiarité qui se noue parce qu’on patauge ensemble dans les embouteillages. A chaque fois, je me dis que notre époque, c’est bien quand même. Qu’avoir inventé le covoiturage, c’est vraiment une bonne idée. Se parler. Découvrir d’autres univers. Rire avec des gens qu’on n’aurait pas l’occasion de fréquenter autrement. Trouver des points communs entre nous. Respecter nos différences. Tisser du lien, créer de la joie. Ce n’est rien du tout et c’est immense à la fois.

++++++

ET vous, quelles rencontres sympathiques, un jour où vous étiez en chemin, gardez-vous en tête ?

Vous voulez me laisser un commentaire ? RDV sur ma page facebook
PHOTO : Image du film « Sur la route », de Walter Salles, 2012 – d’après le roman de Jack Kerouac {de ce cinéaste, au passage, je recommande vivement « Carnet de voyage », sur l’épopée d’Ernesto Guevara en 1952, à moto, à travers le continent sud-américain}

Pas de commentaire

Qui suis-je ?

Qui-suis-je
Pour changer le monde : changeons les récits qui circulent. J'ai à coeur de remettre joie, beauté et optimisme dans les imaginaires collectifs.

Newsletter

SUIVEZ-MOI SUR FACEBOOK

×