NOUS RÉINVENTER – PISTE 17 : DE L’ART POUR S’ÉBLOUIR
- juin 22, 2016
- by
- Mathilde Vermer
Il y a comme un malentendu. Lire un roman, flâner dans une galerie, écouter du jazz, applaudir des comédiens, tout ce fatras d’émotions, de sensations, de feu – du luxe ? De l’attraction à touristes ? Pour les élites, ou pour les gens qui n’ont que ça à faire ? Mais depuis quand l’art est divertissement ? Depuis quand l’art détourne de l’essentiel ? Depuis quand l’art est destiné à une minorité ?
Les artistes offrent leurs productions à la terre entière, s’y nourrit qui veut s’y nourrir. Car l’art nourrit, généreusement, amplement, divinement. L’art, depuis toujours, donne de quoi tenir, faire face, résister à l’effondrement. Parce que, et ce serait si facile de l’oublier, notre époque n’est pas pire qu’une autre. Le monde a toujours été champ de ruine, désert aride, solitude, maladie, pauvreté et mort. La guerre, aujourd’hui nommée terrorisme, a toujours fait partie de l’expérience humaine. Tout comme le désespoir, la colère, la haine, la trahison, la jalousie. La vie est tragique. Hier, elle l’était ; demain, elle le sera.
Au milieu de nos existences, il y a la joie qu’on approche, l’amour qu’on effleure, le plaisir qu’on vole. L’art est le lieu de la beauté. De la vérité. De la communion. Au-delà des mots, des explications, au-delà de tout ce qui nous meurtrit. Là où nos âmes ressuscitent. Il suffit de trois notes de musique, même mélancoliques, il suffit de quelques vers, même désenchantés, il suffit de quelques pas de danse, même saccadés, pour aller mieux, pour sentir que quelque chose en nous est traversé, qu’on est rejoint dans la peine, qu’on est accueilli dans notre angoisse. L’art ne ment pas, l’art dit que parfois la vie agresse, se brise, échappe. Les artistes en faisant écho à nos drames nous permettent d’y survivre. Ils nous montrent un autre chemin, un autre sens, sous la fine couche du réel.
Je le sais parce que je fais partie de ces gens qui tanguent, qui passent du rire aux larmes. Je connais bien le découragement. Comme je connais la persistance. Je lutte pour ne pas perdre de vue mon rêve, pour continuer à créer, à poser des mots sur le papier. Je lutte pour accepter les choses quand la vie me bouscule. Je lutte pour rester présente et m’ouvrir à ce que je ne contrôle pas. L’art, sous toutes ses formes, reste le lieu où je me réchauffe. C’est là où mon esprit se repose. C’est au contact de l’art que je ressens que la vie est éblouissante. C’est au nom de cette expérience, si souvent renouvelée, que je me permets de faire la leçon à ceux qui jugent les artistes et les amateurs d’art comme des intellos, des saltimbanques, de contemplatifs inutiles… Je leur dis : vous ne comprenez rien !
En revanche, aux autres, à ceux qui ont aussi besoin d’éblouissement, je dis : allez voir le film « Dans les forêts de Sibérie », allez-y pour les images, la bande son d’Ibrahim Maalouf, cette histoire d’amitié au cœur d’une nature sublime et sauvage, cette réflexion sur ce qui nous rend vivant. Ce film, c’est mon dernier choc esthétique, du bonheur brut – et ce serait vraiment dommage de vous en priver !
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