Lucidité. Mantra qui me pousse quotidiennement à lire la presse. Comprendre le monde, décrypter ses enjeux, cerner leurs impacts sur nos trajectoires individuelles et collectives, avec une question en tête : comment, dans ce contexte chahuté, contribuer positivement ?

Malgré ce mantra obstiné, depuis la semaine dernière, je suis particulièrement déboussolée. Le tumulte à Paris me semble incroyablement dangereux. Comme beaucoup, j’assiste aux débats fiévreux, au jeu étrange des chaises musicales, aux coups de poker des uns et des autres en étant médusée par leur inconséquence.

Alors quoi ? M’enterrer sous la couette ? Fuir par l’ivresse, le sucre, le déni ? Pas mon style… Je cherche un réconfort plus pertinent. Comme toujours, ce qui m’aide à tenir, c’est mon entourage. Des liens avec de la joie et de la tendresse : le meilleur des boucliers contre le chaos, l’antidote suprême pour annihiler le poison de l’angoisse, revenir à mon équilibre et mon désir de contribuer.

Honnêtement, je n’ai jamais ressenti autant d’amour dans ma vie. Cet amour solide, nourrissant, est le fruit d’un travail intense. Depuis 25 ans, ma famille et mes amitiés sont des terrains d’expérimentation : comment s’aimer mieux ? Comment construire de la proximité, de la solidarité, de la sécurité affective ? Je partage, humblement, quelques conclusions.

D’abord, je crois qu’il faut se donner du temps et de l’espace pour se parler. Le dialogue exige d’apprendre à s’écouter, d’apprendre à se dévoiler, sans peur des silences, sans jugement, sans reproche, sans conseil intempestif. Ne pas plaquer mes propres prismes sur le vécu de mes proches. Limiter les interprétations impulsives et dogmatiques. Ouvrir l’oreille avec attention, ouvrir mon cœur avec intégrité. Savoir entendre et dire ce qui est traversé, oser des mots gentils qui illuminent un visage, prendre régulièrement des nouvelles, demander clairement de l’aide quand je suis en détresse. Savoir nommer quand je suis heurtée, savoir me remettre en cause quand ma parole, ou attitude, a blessé. Créer ainsi de la confiance.

Ensuite, je crois qu’il faut vivre des expériences ensemble. Mélanger nos vies. Cuisiner et manger tranquillement, s’occuper des enfants, marcher longuement, visiter une expo, écouter un podcast lors d’un trajet en voiture. La présence suscite l’envie d’une présence prolongée. Elle nous extrait d’une tendance au repli sur soi – par fatigue, par peur d’être incompris. Les gens qu’on aime – on est bien en leur compagnie, ils nous offrent la chaleur la plus douce.

Est-ce que mes ami.e.s sont parfaits ? Est-ce que je suis une amie parfaite ? Non, évidemment. Mais sur cette sphère de ma vie, j’ai de la capacité d’action, je n’ai pas besoin de perfection. Je peux faire évoluer ce qui ne me convient pas – œuvrer pour renforcer, ou réparer, mes liens. Au passage, je développe mon empathie, mon expression, mes facultés de coopération.

En cette période troublée, alors que l’animosité, la rancœur, les ricanements s’infiltrent partout, cultiver l’amitié n’a rien d’un détail : au contraire, j’y vois un levier extraordinaire, une forme de résistance, une manière concrète de construire le monde plus uni dans lequel je veux habiter.

Et vous, construisez-vous aussi vos amitiés comme des oasis de paix ?

> Cette chronique fait partie de la série 2025, nommée « Accalmie ». Une série pour explorer les voies vers la paix, pour oser l’apaisement, la réconciliation, la détente, l’embellie, la main tendue…  Vous aimez ce que je publie ? RDV sur les réseaux sociaux pour retrouver de la poésie, et les autres chroniques que j’écris depuis 2016.