Auteure | Conférencière | Coach

2023 / 11 : DES LETTRES POUR ÉLISE

Petite, pendant les vacances, j’adorais envoyer des cartes postales à mes copines. Quand ma grand-mère Élise me voyait appliquée à rédiger mes aventures enfantines, elle s’exclamait :
– Toi, tu es comme mes sœurs, tu as le goût des lettres. Tu iras loin !
Je ressentais sa fierté, alors j’acquiesçais machinalement, sans vraiment comprendre la pleine signification de ce « goût des lettres ».

En grandissant, j’ai mieux compris : Marthe et Marie-Rose, les sœurs d’Élise, avaient une passion pour le savoir et la littérature. Dans leur Auvergne natale, celle des années 30 et 40, alors que la famille s’affairait à faire tourner la ferme, s’occuper des bêtes et des champs, elles passaient leurs soirées à étudier pour passer des diplômes par correspondance. Elles assumaient d’être des exceptions dans un milieu rural et traditionnel, provocant l’admiration infinie de leur cadette Élise.

Si l’histoire s’arrêtait là, si ces deux femmes étaient devenues institutrices comme elles le souhaitaient, si elles avaient pu se marier et avoir des enfants comme elles le désiraient, ce serait magnifique. Sauf que le destin n’en a pas voulu ainsi. En 1946, dans une France qui se relevait d’un long conflit et qui manquait de tout, Marthe, 20 ans, est tombée malade. Gravement. Pas de médicament pour la soigner : elle en est morte. Peu après, Marie-Rose, 21 ans, a connu le même sort.

Je crois qu’Élise ne s’est jamais entièrement remise de la perte de ses deux sœurs chéries, qu’elle a continué à les chercher partout, entretenant leur mémoire avec fidélité.

En avril dernier, secouée par une série d’épreuves, je mets le cap sur la Grèce. Réfléchir, retrouver mon axe, renouer avec le mouvement. Reprendre également mon stylo pour écrire un nouveau roman. Mais à peine arrivée dans les Cyclades, s’invite dans mon esprit la vision de mes grand-tantes, belles et cultivées, emportées trop tôt. Une pensée revient en boucle : j’ai une liberté et une santé dont elles n’ont jamais profité, il faut que j’en sois à la hauteur, il faut que j’aille au bout de mes rêves. Pour elles, je me dois de réussir.

Total : à chaque fois que je m’assois devant l’ordinateur, monte une vague d’angoisse. Une pression d’avoir à accomplir je-ne-sais-quoi de fantastique, pour venger leur destin tragique.

Intenable.

Un matin, en écoutant un des mes Podcasts préférés, j’ai un flash. Je n’ai rien à réussir pour elles. Puisque qu’à chaque fois que je fais un choix qui me ressemble, à chaque fois que je me remplis d’amour, de lumière et de joie, en ayant confiance que cette joie, cette lumière, cet amour vont ensuite infuser dans mes gestes, mes actions et mes mots, je réussis ma vie. Je n’ai pas d’autres objectifs à atteindre que d’être pleinement vivante. Et de cette manière, par la vie qui me traverse, j’honore leur héritage invisible, et mes propres talents, petits et grands.

Je crois qu’Élise, disparue en 2003, aurait aimé cette conclusion. Je suis sûre qu’elle aurait été satisfaite de me voir revenir vers mon clavier, allégée, confiante, animée par ce goût des lettres qu’elle considérait comme précieux.

Et aujourd’hui, alors que je finis ce texte pour le mettre en ligne, j’en profite pour vous remercier. Depuis quelques semaines, les écoutes du Podcast « L’Expérience Poétique » s’envolent. Vous m’écrivez pour me raconter combien la poésie vous fait du bien. Ça me touche énormément : j’en déduis que l’ardeur dans mon cœur gagne le vôtre.

Pourquoi souhaiter davantage ?

> Cette chronique fait partie de la série 2023 « de l’invisible ». L’invisible, c’est quoi ? Mystérieux et simple à la fois : je le définirai comme un hasard, un ressenti, un regard vers les étoiles. Vous aimez ce que je publie ? RDV sur les réseaux sociaux pour retrouver de la poésie, et les autres chroniques que j’écris depuis 2016. Et si vous croyez en la nécessité de faire sa part de colibri, partagez ce texte.

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> Pour la photo, c’est une image rescapée d’un vieil album de famille : Élise, la plus jeune, née en 1933, est assise à côté de Marthe, née en 1926. La photo doit dater de 1940. Très émouvant de les admirer ensemble.

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