Auteure | Conférencière | Coach

2023 / 15 : ALEX ET LA BANDE

Ce rire. Comme un volcan tonitruant, dont la lave emporte tout sur son passage. Chaleur de ce rire, contagion de ce rire, magnifique et fou, rire à s’en tenir les côtes, en classe, au café, à la cantoche, rire et pleurer à la fois, rire comme les ados que nous étions, qui se moquent de produire trop de bruit, qui ignorent les regards irrités, rire parce qu’en vie et ensemble.

Dans le groupe, Alex avait le plus beau rire, son hilarité transformait immédiatement, radicalement, l’atmosphère. Une d’entre nous disait une bêtise et Alex démarrait. Ses yeux s’illuminaient, ses dents blanches apparaissaient, ses fossettes se dessinaient, et on la rejoignait. Propagation galopante de la joie.

Nous avions 13 ans, 14, 15, 16, 17. Nous étions des gamines, perdues dans une adolescence morose, se débattant avec nos parents, nos profs, nos complexes, la pression de nos pairs, la brutalité de la ville. Nos cœurs s’étaient aimantés les uns aux autres. Alex, Lucie, Claire, Théo, Pauline, Gaëlle, Ludivine, et moi. Une bande de filles qui faisaient front en riant.

Je n’ai jamais adhéré à cette idée rimbaldienne qu’on n’est pas sérieux quand on a 17 ans. Nous toutes, on avait perçu la violence du réel, on cernait menaces et dangers – et l’expérience nous avait détourné de la banalité. On ne parlait pas de garçons, de fringues, de sorties. Une bande de filles occupées à refaire le monde, à discuter de l’avenir, à s’interroger sur ce qu’on désirait profondément. Occupées à mettre de la légèreté, de la liberté, dans un quotidien qui nous semblait étriqué.

Sans même se le dire, on avait décidé de bâtir notre amitié comme on érige une forteresse. Pour se protéger, pour réunir des ressources, pour avoir le temps d’élaborer une stratégie. On aimait la philo et l’art, on apprenait les unes des autres, l’audace, la fantaisie, l’ouverture, le talent – on formait une bande solidaire et invincible.

Les années ont passé. D’autres aventures nous ont appelées. Les liens ont changé. Pauline est restée mon amie la plus proche, mon roc, ma complice, je l’ai suivie quand elle est partie s’installer à Marseille. Et puis, la connexion avec Alex s’est prolongée – notre affection mutuelle, notre passion partagée de l’écriture, notre quête de l’invisible.

Depuis quelques années, Alex riait moins. Trop de coups durs. Trop de douleurs. Alors, fidèle à elle-même, libre et téméraire, elle a tiré sa révérence. Sa disparition est un séisme qui secoue mon cœur et ma tête. Tout remonte. Les souvenirs joyeux et les questionnements existentiels, les promesses de l’aube et les rêves inaccomplis.

Le chagrin est un personnage mesquin, envahissant, gluant. Je ne veux pas le laisser s’installer – parce que je sais qu’il trahit la mémoire d’Alex, son visage solaire, son élan vital, son rire extraordinaire. Maintenant que je la devine en paix, je ne veux garder d’elle que le son de ses éclats, insolents, irradiants, à jamais triomphants.

> Cette chronique fait partie de la série 2023 « de l’invisible ». L’invisible, c’est quoi ? Mystérieux et simple à la fois : je le définirai comme un hasard, un ressenti, un regard vers les étoiles. Vous aimez ce que je publie ? RDV sur les réseaux sociaux pour retrouver de la poésie, et les autres chroniques que j’écris depuis 2016. Et si vous croyez en la nécessité de faire sa part de colibri, partagez ce texte.

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> Photo rescapée d’un vieil album
En partant de la droite : Gaëlle, Pauline, moi, et Alex
Nos sourires, notre lien, notre amour – pour toujours

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