Petite, comme tous les mômes, on m’a lu des contes de fées, on m’a montré des Disney – et mon imaginaire à intégrer cette équation : robes + palais + chevalier = bonheur. Une équation d’enfance qui s’est planquée dans un coin de mon inconscient, une équation tenace qui a mis hors-jeu, au lycée, les enseignements de Socrate, Spinoza et Sartre. La philosophie de la liberté et de la joie, exigeante, nuancée, ne faisait pas le poids face au discours omniprésent sur le couple, le succès matériel, la trajectoire réussie.

Sans me l’avouer, je l’ai attendu longtemps cet homme, beau, intelligent et drôle. Au point de repousser certaines aventures professionnelles, au cas où, parce que sait-on jamais, s’il surgit… Je rêvais de romance, je voulais l’image papier glacé du mari et de la famille épanouie – tout en nourrissant une admiration infinie pour Alexandra David Néel, Marguerite Duras, Hannah Arendt, George Sand, Olympe de Gouges, Simone de Beauvoir, Marie Curie et d’autres…. Je ne voyais pas le conflit, je ne mesurais pas combien il faut s’affranchir de certains mythes pour emprunter d’autres routes.

Il y a quelques années, j’ai compris que cette fable du sauveur n’était pas un poison uniquement réservé aux femmes. Tous les êtres humains peuvent tomber dans le piège, succomber à la tentation de déléguer à un autre, plus malin, plus fort, plus étincelant, la réalisation de leurs rêves. Certains attendent de gagner au loto, d’autres exigent sans cesse de l’aide pour avancer, d’autres encore se plaignent de leur travail, de leur patron, rendant les détenteurs de l’autorité responsables de toutes leurs insatisfactions. Il est si difficile de prendre pleinement possession de sa destinée, conquérir son autonomie, assumer ses échecs, se battre pour ses rêves.

Dans ma propre expérience, le retournement a été rendu possible par la littérature, la psychologie et la quête spirituelle. Me défaire des conditionnements malsains, sortir des loyautés pesantes, épouser ma vie et ses défis – parce que chaque âme est invitée à cela, trouver sa voix, construire son bonheur. Il n’y a personne, jamais, qui vient vous sauver. Il y a certes des mains tendues mais le boulot reste à accomplir soi-même. Reconnaître les désirs profonds de son cœur, dans toutes les sphères, les incarner dans le réel. Un chemin long, ardu, mais gratifiant quand on remporte des victoires.

En février désormais, quand la Saint-Valentin vient repeindre en rouge tous les panneaux publicitaires, quand un romantisme en toc inonde ma boite mail d’offres marketing douteuses, je pense à mes ami.e.s, mes allié.e.s, les personnes qui ensoleillent mon quotidien, qui insufflent de la douceur dans mon existence. Des aimé.e.s qui n’ont pas pour mission de me sauver, qui ne me demandent pas non plus de les sauver – mais avec qui j’ai toujours plaisir à partager une anecdote, un fou rire, un chagrin, une balade ou un jus de raisin. De l’amour qui rime avec chaleur, entraide et complicité.

Et vous, avez-vous signé la paix avec l’idéal du prince charmant ?

> Cette chronique fait partie de la série 2025, nommée « Accalmie ». Une série pour explorer les voies vers la paix, pour oser l’apaisement, la réconciliation, la détente, l’embellie, la main tendue…  Vous aimez ce que je publie ? RDV sur les réseaux sociaux pour retrouver de la poésie, et les autres chroniques que j’écris depuis 2016.