2023 / 7 : ATTRAPER LE FIL D’ARIANE
- avril 13, 2023
- by
- Mathilde Vermer
Ce jour-là, j’ai senti que le silence s’imposait. Après plusieurs mois à suivre les indications des médecins, multiplier les rendez-vous, absorber piqûres et gélules, mon corps a dit stop. Laisse-moi respirer, il a ajouté. Laisse-moi pleurer, laisse-moi dormir, mais s’il te plaît laisse-moi tranquille.
Ce jour-là, j’ai senti que je n’avais pas de mot. Personne à appeler pour raconter ma fatigue, ma douleur, ma colère. Personne à déranger parce que la seule personne en capacité de m’aider, c’était moi. Moi qui devais trouver des ressources pour opérer une métamorphose, transformer le drame en victoire.
Cette semaine-là, quand la bouche est devenue muette, j’ai entendu une voix monter du fond de mes entrailles. Tu as le choix, elle a expliqué. Soit tu continues à t’agiter, à combiner le traitement, le travail, les projets qui remplissent les heures du matin au soir, et tu fonces droit dans le mur. Soit tu reviens à l’essentiel, ton écriture, ta liberté, ta confiance en l’avenir, cette vie que chaque jour tu peux décider de savourer.
Cette semaine-là, j’ai choisi – et les larmes ont immédiatement arrêté de couler. J’ai reconnu le cadeau de l’invisible : des bâtons dans les roues d’un attelage qui filait vers ma perte, c’était une chance extraordinaire. Certes la détonation avait été brutale, mais l’évasion ne serait que plus magistrale. Après tout, j’étais entière, épuisée mais entière.
Dans les jours qui ont suivi, la petite voix a précisé la direction : mets tout sur pause et quitte ta routine. Accepte de bifurquer, accepte de ne pas savoir ce qui surgira. Attrape le fil d’Ariane. Va reprendre des forces. Va écrire ce livre que tu portes depuis l’été dernier.
En trois semaines, j’ai tout réglé. J’ai fait en sorte de passer tous mes impératifs professionnels en distanciel, j’ai modifié l’agenda et ses urgences, j’ai mis mon appart sur un site d’échange de maison, j’ai tout rangé, acheté un billet, bouclé mes valises. Reste à embrasser mes aimés.
Dans quelques jours, je serai à Athènes, ville que je ne connais pas, pour rencontrer Athéna bien sûr, mais aussi Artémis, Aphrodite, Zeus et le reste de l’équipe Olympique. Puis comme Ulysse, je prendrai un bateau et j’entamerai un périple de plusieurs mois.
J’ai peur et j’ai hâte. Tellement hâte.
Ça me semble folie, et ça me semble sagesse à la fois.
Partir en patrie philosophique pour écrire, réfléchir, réparer les parties blessées – avec cette conscience que je suis reliée au macrocosme, et que toute micro-réparation a des effets dans le plus vaste – quelle joie.
Avec cette conscience que s’envoler vers l’aventure, c’est toujours une merveilleuse idée pour les âmes voyageuses, la mienne, la vôtre peut-être, qui ont le goût des histoires. Car, si je ne suis pas tout à fait sortie de ma cure de silence, je promets de vous envoyer quelques phrases, de temps en temps, depuis mon odyssée inattendue et vitale.
> Cette chronique fait partie de la série 2023 « de l’invisible ». L’invisible, c’est quoi ? Mystérieux et simple à la fois : je le définirai comme un hasard, un ressenti, un regard vers les étoiles. Vous aimez ce que je publie ? RDV sur les réseaux sociaux pour retrouver de la poésie, des idées lecture, et les autres chroniques que j’écris depuis 2016. Et si vous croyez en la nécessité de faire sa part de colibri, partagez ce texte.
> Besoin de mots doux dans vos oreilles ? Découvrez le pouvoir de la poésie contemporaine à travers des capsules courtes et colorées. Les épisodes du podcast « L’Expérience Poétique » sont disponibles sur les plateformes (spotify, deezer, apple podcast, amazon, youtube, etc). Je lis mes poèmes préférés pour vous offrir un shoot de beauté et d’optimisme : des vitamines qui sauront accompagner vos journées !
> Votre soutien m’est précieux : merci pour les abonnements à ma page, ma newsletter, mon podcast, merci pour vos dons… Toutes les infos, tous les contenus écrits et audio, sont accessibles en ligne.
> Pour laisser un commentaire, retrouvez ce texte sur ma page FB.
CREDIT PHOTO : Marine Lécroart